Page 1/3


"Je n'essaierai pas de décrire l'impression que nous causa la vue de ces tables, vivantes dans leur langage muet, quoique inintelligibles pour nous ." Cette émotion qui étreint Stephens est celle qui saisit tout visiteur face aux panneaux couverts de hiéroglyphes du temple des Inscriptions de Palenque.


Il est vrai qu'avant Catherwood, peu d'artistes avaient tenté de reproduire des glyphes. Le rapport de del Rio est accompagné de deux planches d'inscriptions comprenant chacune six hiéroglyphes. De son côté, Galindo en donne quelques exemples. Dans tous les cas, il ne s'agit pas de reproduire fidèlement - on a du reste beaucoup de mal à voir - mais seulement de montrer à quoi les caractères mayas peuvent ressembler. Manifestement, les explorateurs et leurs artistes sont découragés : à quoi bon copier des textes que l'on ne comprend pas et, sous-entendu, que l'on rie comprendra jamais ? Stephens a sans doute plus de confiance en l'avenir et en la science, mais pour le temps présent, il doit bien avouer que ces textes sont "muets".


En 1866, Brisseur écrit cette phrase sibylline : "La clef de ces hiéroglyphes est aujourd'hui découverte; il ne manque plus que de trouver les moyens de s'en servir"

L'histoire du déchiffrement de l'écriture maya commence avec la publication, par Brasseur, de la Relation des choses du Yucatán de Landa, en 1864. Landa explique d'abord le cycle calendérique de dix-huit périodes (uinal) de vingt jours (kin) chacune, soit trois cent soixante jours, auxquels on ajoute cinq jours néfastes (uayeyab) pour faire trois cent soixante-cinq. "Pour ces trois cent soixante jours, ils ont vingt lettres ou caractères par lesquels ils les nomment, s'abstenant de donner un nom aux autres cinq jours, puisqu'ils les considèrent néfastes et mauvais" Le chroniqueur reproduit alors le dessin de chaque caractère et donne e son nom au-dessous Kan, Chicchan, Cimi, Manik, etc. Landa entreprend également de écrire les fêtes et les cérémonies propres à chaque mois, et à cette occasion, il en donne le et le glyphe: Pop, Uo, Tzec, etc.

Landa veut, en outre, connaître l'"alphabet" dont ces gens se servent pour écrire; il ne peut, en effet, concevoir un système d'écriture autre qu'alphabétique. Commence alors un exemplaire dialogue de sourds entre l'évêque et son interlocuteur, un Indien lettré. Landa choisit pour ses exemples des mots mayas d'une seule syllabe, mais qui, en espagnol, s'écrivent avec deux lettres "Pour qu'il puisse l'écrire avec leurs caractères, nous leur avons fait comprendre qu'il y a deux lettres... " Soit le mot maya ha (qui signifie eau).
Il s'écrit avec deux lettres : h (lettre qui en espagnol se prononce a-tché) et a. L'Indien écrit donc les caractères qui se rapprochent le plus de ce que veut l'Espagnol, un signe pour a, un autre pour tché et un dernier pour a. Il écrit en fait les sons des lettres espagnoles. Exactement comme si, en français, on lui avait fait écrire wagon : doublevéajéoenne. L'incompréhension entre les deux hommes ne fait qu'augmenter, si bien qu'à la fin de la séance, lorsque Landa demande à son informateur d'écrire une phrase, n'importe laquelle, l'Indien, excédé par l'absurdité de la méthode, trace : "ma in kat (je ne veux pas!)"