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Ce qu'ignore alors Landa, c'est que le nord du Yucatán n'est en fait que
la pointe émergée de l'iceberg


Au temps de sa splendeur, vers la fin du Vllle siècle, le territoire de la civilisation maya s'étendait sur la totalité de la péninsule et comprenait l'actuel Etat du Chiapas, au Mexique, le département du Petén au Guatemala et les parties est du Honduras et nord du Salvador. Après l'effondrement de la civilisation classique au IX ème siècle, la plus grande partie du pays maya était retournée à la forêt tropicale, et ne s'était repeuplée que sporadiquement. Pendant des siècles, les ruines des cités mayas, cachées par la forêt, demeureront insoupçonnées. Leur découverte ne commencera vraiment qu'à la fin du XVIIème siècle et ne s'achèvera qu'à la fin du XXème. Car, avant les ruines, il faudra explorer le pays. Une exploration qui prendra des siècles, d'abord parce que la circulation en forêt est dangereuse, pénible et très lente; ensuite parce que les Basses Terres du Chiapas, du Belize et du Petén n'offrent que peu d'attraits aux conquérants comme aux colonisateurs : pas de richesses minières, pas ou peu de main-d'oeuvre exploitable, un environnement hostile. Il n'y aura guère que les missionnaires qui oseront s'aventurer dans cet "enfer vert", en quête d'âmes à sauver.

En 1525 pourtant, Cortés traverse le sud du pays maya, du Tabasco au Honduras : des rumeurs défavorables circulant sur le comportement de ses lieutenants au Honduras, le grand conquistador décide d'aller voir lui-même ce qu'il en est. Il réunit 140 soldats espagnols, 3 000 Indiens combattants et porteurs, 150 chevaux, un troupeau de porcs, des munitions et des vivres. Le voyage dure longtemps, près de six mois. Il faut affronter d'abord les marécages du Tabasco, qu'on ne peut souvent traverser qu'en construisant des chaussées ou des ponts, puis la forêt où il est si facile de se perdre; enfin, la montagne, redoutable avec ses précipices où dégringolent quantité d'hommes et de chevaux. Les Espagnols doivent faire appel aux habitants pour s'approvisionner, et aussi pour trouver leur chemin. Or, les villages sont le plus souvent déserts, parfois même incendiés : craignant les hommes blancs, les Indiens ont fui, et Cortés a toutes les peines du monde, protestant de ses bonnes intentions, à les y faire revenir.


Victime du zèle iconoclaste d'un franciscain, le cheval-tapir de Tavasal vole en éclats...

Une des étapes les plus notables du voyage est la ville de Tayasal, établie sur la la grande île du lac Petén Itza la capitale des Itzàs, le plus puissant groupe maya de la région. Leur chef, Canek, fort impressionné par la messe que fait célébrer Cortés en de pompe, "avec chants accompagnés de trombones et de bois", se déclare disposé à briser ses idoles et demande qu'on lui laisse une croix. Cortés, en outre, lui confie un de ses chevaux, blessé : "Le seigneur me promit d'en prendre soin, j'ignore ce qu'il en fit."

Ce n'est qu'un siècle plus tard qu'on connaîtra le destin du cheval de Cortés. En 1618, les franciscains Urbita et Fuensalida, en mission d'évangélisation à Tayasal, le retrouvent statufié dans un des principaux temples de la ville : On raconte qu'après le départ Cortés, les Indiens ont tenté de le soigner en lui présentant de la viande et des fleurs, traitement réservé aux gens importants... mais dont l'animal, on s'en doute, ne se remit pas. La statue, de grande taille, montre le cheval assis sur le sol, dans une attitude tout à fait humaine et que la race chevaline ignore. Les Mayas l'adorent sous le nom de Tzimin Chac, c'est-à-dire Tzimin (tapir, l'animal qui se rapprochait le plus du cheval), Chac (dieu de la Pluie et du Tonnerre). A la vue de cette idole, le père Orbita, saisi d'une colère sacrée s'arme d'une grosse pierre, monte sur la statue et la brise en morceaux. La foule des fidèles crie des menaces de mort. On s'attend à un lynchage. Le père Fuensalida se met alors à prêcher d'une voix forte et parvient à retourner la situation. Les bons pères, ne voulant pas rester sur un échec, reviennent à Tayasal l'année suivante; voyant leur pouvoir menacé, les prêtres itzàs les rejettent à nouveau.